Analyse des pigments des encres et des filigranes des gravures en Clair-Obscur (CLARO)
Budget
50 000 €
- Musée du Louvre : Séverine Lepape : pilote
- service de l'estampe ancienne et de la réserv : partenaire
- Rémi MATHIS (service de l'estampe ancienne et de la réserv) : partenaire
- Vanessa SELBACH (service de l'estampe ancienne et de la réserv) : partenaire
- Caroline VRAND (service de l'estampe ancienne et de la réserv) : partenaire
Description
L’objet d’étude
L’estampe en couleur, appelée aussi gravure en clair-obscur ou en camaïeu, est expérimentée par des graveurs sur bois vers 1508-1510 jusque dans les années 1640 en Europe du Nord et du Sud. Elle est le fruit de recherches techniques et artistiques visant à traduire à l’impression de riches nuances de teintes. A la fois imitation du dessin et objet autonome, elle connut une large diffusion et suscita un intérêt évident auprès de peintres, comme Burgkmair, Cranach, Baldung Grien, Parmigianino, Floris, Goltzius, Rubens ou Lallemand en raison de l’emploi de la couleur, mode d’expression de nature à les séduire et à rejoindre davantage leur pratique artistique que les dégradés de noir et de blanc dont usaient les graveurs pour rendre une composition.
Les estampes en couleurs sont des objets complexes, où se trouvent superposées sur une même feuille de papier plusieurs couches d’encres de couleurs qui s’entremêlent ou se trouvent juxtaposées. L’étude de ces feuilles appelle nécessairement à se poser des questions d’ordre technique, au premier chef desquelles la caractérisation des pigments employés dans les encres. Pourtant, force est de constater que ce n’est pas cette approche qui a caractérisé l’étude du corpus des gravures en couleurs, aujourd’hui relativement bien établi. Les gravures en couleurs ont été étudiées selon des méthodes classiques en l’histoire de l’art (rapprochements stylistiques, constitution d’un répertoire propre à chaque graveur ou atelier, examen des relations entre les dessins d’un artiste et les estampes réalisées d’après ses compositions) sans que la question de la nature physique des pigments ne soit jamais évoquée. Or, l’emploi d’analyses scientifiques sur les pigments semble de nature à ouvrir d’autres voies d’explorations qu’une étude reposant uniquement sur les fondamentaux du connoisseurship. En effet, il semble vraisemblable d’affirmer que chaque graveur avait sa manière d’employer les pigments dans ses encres, de les doser et de les répartir sur les bois pour produire une estampe en couleurs. L’hypothèse selon laquelle ces éléments matériels marqueraient avec autant de certitude la signature d’un artiste ou d’un atelier que des considérations stylistiques, parfois sujettes à caution dans le cas d’une estampe anonyme gravée d’après une composition existante, semble riche de possibles redécouvertes.
Le projet
A l’image de projets déjà menés par le C2RMF et aux Etats-Unis sur des estampes italiennes du XVIe siècle, les porteurs vont lancer des analyses similaires sur un corpus d’une cinquantaine de gravures en couleurs nordiques (Allemagne, Pays-Bas, France) entre 1508 et 1640, qui permettront de compléter l’état du savoir sur les pigments des gravures en couleurs en Europe.
Cette étude se conçoit comme le préalable d’une exposition sur la gravure en clair-obscur en Europe qui se tiendra au Musée du Louvre au printemps 2018, dans les nouvelles salles consacrées aux Arts Graphiques. Elle réunira une centaine de feuilles issues des collections Edmond de Rothschild du Louvre, du département des Estampes de la BnF et de la Fondation Custodia. Les gravures analysées seront prioritairement choisies dans le fonds de la collection Edmond de Rothschild mais également dans le fonds de la BnF, partenaire du projet. Ces analyses seront croisées avec le relevé systématique des filigranes présents sur les papiers.
Après l’observation minutieuse des gravures du corpus, dix à vingt gravures feront l’objet d’analyses qui vont permettre de comprendre la mise en œuvre et la composition chimique des pigments responsables des couleurs. Les techniques non invasives doivent permettre de caractériser les composés chimiques de la matière afin de révéler si possible des empreintes chimiques permettant de distinguer des ateliers de graveurs.
L’analyse des pigments sera effectuée par le C2RMF :
- analyse par fluorescence X (système ELIO) ;
- microspectrométrie Raman ;
- analyses par µRaman et par spectroscopie Infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) ;
- spectrométrie de réflectance dans UV, le visible et le proche infrarouge par fibres optique (FORS).
Les analyses devront répondre à trois principales questions :
1. Identifier des pigments des estampes allemandes, flamandes, françaises et néerlandaises :
– établir une liste des pigments employés par les graveurs nordiques, afin de les comparer à ceux employés par les graveurs italiens à la même époque
– comprendre si une transmission technologique a eu cours de part et d’autre des Alpes, à différentes périodes du XVIe siècles.
2. Établir si l’emploi de certains pigments est propre à un graveur ou un atelier, pour, le cas échéant, mieux circonscrire son activité :
– expliciter les savoirs-faire particuliers de chaque foyer producteur d’estampes en couleurs
– distinguer des tirages originellement conçus dans un atelier d’impressions tardives.
3. Aider à la localisation ou à la datation des estampes anonymes :
– mieux cerner la production de certaines estampes faussement attribuées à Dürer, dont on ignore aujourd’hui dans quel cercle et à quelle période elles ont pu être réalisées.
Responsable scientifique :
– Séverine Lepape, Département des Arts Graphiques, Musée du Louvre
Partenaires Labex Patrima :
– Caroline Vrand, Vanessa Selbach, Rémi Mathis, Bibliothèque nationale de France
– Eric Pagliano, Clotilde Boust, Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)