ECHO : ECrire l'Histoire de l'Oral : l'émergence d'une oralité et d'une auralité modernes. Mouvements du phonique dans l'image scénique (1950-2000)

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Description

Une abondante littérature décrit le monde occidental moderne (XIXe-XXIe siècles) comme un monde du visuel, porté par la « passion du voir ». Nombre d’ouvrages sont consacrés à l’image, contrastant avec l’espace très modeste laissé à ce qui relève de l’écoute – exception faite pour l’écoute musicale. Le théâtre nous est apparu comme la pratique la plus spectaculairement et paradoxalement affectée par ce phénomène : alors que la scène occidentale s’est organisée autour d’un texte (vocalisé), éventuellement accompagné de musique (chantée ou instrumentale), que l’acoustique a été rapidement prise en compte, et que le modèle grec joue un grand rôle dans la théorie théâtrale, il n’existe quasiment pas de travaux sur le théâtre comme lieu auditif. Nombreux sont en revanche ceux qui concernent ses dimensions visibles (scénographie, lumière) et ses rapports avec les arts visuels, la peinture et le cinéma. Ainsi, le discours des études théâtrales semble fondé sur l’idée selon laquelle la représentation se déroule dans un espace organisé par et pour le regard.

Les recherches portant sur le caractère oral des oeuvres dramatiques, d’une part, la voix des acteurs, d’autre part, sont comme exilées dans de tout autres espaces théoriques et n’affectent en rien ce modèle, ce qui permet d’entrevoir au coeur et à la source de l’oubli du sonore l’occultation de la phônê humaine, non seulement vocale, mais verbale, « l’oralité » décrite par le dernier Zumthor (1994) : performée, éventuellement médiatisée, engageant une auralité socialement significative, parce qu'elle prend son sens dans l'événement, comme le souligne l'ethno-poétique, mais aussi parce que cet événement est structurellement langagier. La question a été posée, en particulier par les philosophes, de la place accordée à « l’invisible » dans le monde des images, et particulièrement du sort fait à l’écoute, à l’expression et à la mémoire verbales. Le théâtre tel que nous venons de l’évoquer constitue un lieu privilégié pour une telle interrogation.

Le projet ECHO est né de ce constat, les équipes réunies (études théâtrales, acoustique, histoire des sciences, intermédialité, ethnologie, musicologie, philosophie) s’inscrivant dans une perspective théorique en rupture avec les discours dominants qui privilégient soit l'image (muette) soit le corps (vocal mais nonverbal). Selon cette nouvelle perspective, le théâtre occidental est un espace acoustique, organisé par et pour la voix dite « parlée », définition assumée par les acousticiens modernes du lieu théâtral (fin XIXe-début XXe s.), interrogée ensuite et reformulée du fait des transformations affectant les représentations de la phonation, de sa production et de son écoute, issues de la médecine, de la linguistique, de la psychanalyse, mais aussi de la science acoustique et des nouvelles technologies (microphone, phonographe, téléphone, haut-parleur). Une telle perspective lève un verrou : elle ouvre un espace théorique qui peut accueillir à la fois l’étude de la pratique scénique et celle de la voix parlante. Ainsi, une part de notre projet consiste à observer dans les créations de la « scène moderne » (1950-2000), exposée par Giovanni Lista dans son ouvrage-somme, la genèse de formes orales et aurales inédites en relation avec les nouveaux univers phoniques et les nouveaux modes du voir.

Les moyens privilégiés sont la reconstitution de l’histoire acoustique de deux salles, l’écoute des archives audio des spectacles (le « théâtre d’images » est plein d’échos de textes), l’enquête auprès des spectateurs. ECHO devrait ainsi contribuer à la fois à la réécriture de l’histoire récente du théâtre occidental et à l’élaboration, à partir de la performance théâtrale, d’une pensée vraiment moderne de l’oralité, libérée des deux modèles séducteurs et réducteurs que sont aujourd’hui le rituel vocalisé et le plateau technologique.

Site web : https://echo-projet.limsi.fr/