Ethnologie, patrimoine et cinéma : images de la France de 1983 à 2012

Les acteurs BnF et leurs rôles

Description

Ethnologie, patrimoine et cinéma : images de la France de 1983 à 2012

Le Comité du film ethnographique et la Direction générale des patrimoines du ministère de la Culture et de la Communication organisent une journée, dans le cadre du 32e Festival International Jean Rouch, intitulée : Ethnologie, patrimoine et cinéma – Images de la France de 1983 à 2012. Il y a trente ans était décerné pour la première fois lors du deuxième Bilan du film ethnographique le Prix de la Mission du Patrimoine ethnologique, cette politique de soutien au documentaire sur l’ethnologie de la France témoigne de l’intérêt que la Mission accorde à un genre cinématographique et à son développement. Pendant toutes ces années ont été récompensés dix-huit films, dont les cinq derniers par le Prix du Patrimoine culturel immatériel.
Nous saisissons cette occasion afin de mener, lors de communications et de trois tables rondes, une synthèse analytique et une réflexion dans une perspective critique sur les influences de cette action originale tant sur l’évolution des thématiques filmées, sur le développement des moyens de production et de diffusion, que sur les formations universitaires en cinéma anthropologique.

Liste des films primés au Bilan du film ethnographique et au Festival international Jean Rouch
Prix de la Mission du patrimoine ethnologique
1983 : Le Pays d’en-dessous de Michel Blondel et Patrick Prado (France)
1984 : Je suis né dans la truffe de Jean Arlaud (France)
1985 : Les Taillandiers de la fure ou l’art de l’outil de Claude-Pierre Chavanon ( France)
1986 : Moissonneurs des toits de Jean-Luc Chevé (France) (Ex aequo)
Stolat de Pengau Nengo (Papouasie Nouvelle Guinée) (Ex aequo)
1987 : Youtser et Yodler – “ jüüzli du muotatal i ” d’Hugo Zemp (France)
1988 : En cherchant Emile de Alain Guesnier (France)
1989 : Métiers du bois : Les Frères Bapst, charretiers à La Roche de Jacqueline Veuve (Suisse)
1990 : Des yeux plus grands que les oreilles de Jean Arlaud (France)
1991 : Le Mal du pays de Bernard Dartigues (France)
1992 : L’Art des pinces de Georges Nivoix (France)
1993 : non attribué
1994 : Mardi, Lalbenque de Michel Cros (France)
1995 : Portrait de famille – le Paris des Auvergnats de Jean-Pierre Beaurenaut (France)

Prix du Patrimoine culturel immatériel
2008 : Ngat is Dead : Studying the Mortuary Traditions de Christian Suhr Nielsen (Danemark) de Ton Otto (Pays-Bas) et Dalsgaard Steffen (Danemark)
2009 : No More Smoke Signals de Fanny Bräuning (Suisse)
2010 : Flacky et camarades d’Aaron Sievers (Allemagne)
2011 : La Table aux chiens (Kathakali) de Cédric Martinelli, Julien Touati (France)
2012 : Yaodong, petit traité de construction d’Élodie Brosseau (France)
Le patrimoine immatériel est défini par l’UNESCO comme l’ensemble des pratiques, représentations et expressions que les groupes humains et les communautés reconnaissent comme constitutif de leur patrimoine. La Convention de l’UNESCO du 17 octobre 2003 fixe comme objectif principal la sauvegarde de ce patrimoine avec le concours actif de ses détenteurs. Ce texte a été ratifié, en moins de dix ans, par plus de 150 pays à travers le monde. La France a adhéré à la convention en 2006, et c’est la direction générale des patrimoines (département du pilotage de la recherche), qui est en charge de sa mise en oeuvre.
Plus d’informations sur :
http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Patrimoine-culturel-immateriel
et
http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Patrimoine-ethnologique

Mardi 19 novembre

Ethnologie, patrimoine et cinéma : images de la France de 1983 à 2012

→ 9h – Ouverture : Christian Hottin (responsable de la politique en ethnologie et patrimoine culturel immatériel à la Direction générale des patrimoines du ministère de la Culture et de la Communication) : Mise en perspective historique.

→ 9h30 – Intervention d’Alain Morel (ancien responsable de la Mission du patrimoine ethnologique du ministère de la Culture et de la Communication) : Évolution thématique.

→ 10h30 – Projection : La Boucane

→ 11h15 – 12h30 – Table ronde : État des formations à l’université et perspectives
Erwan Dianteill, professeur d’anthropologie, université Paris Descartes, Institut universitaire de France
Amandine Faynot : cinéaste indépendante
Silvia Paggi : professeure d’anthropologie filmique et communication visuelle à l’université de Nice-Sophia Antipolis.
Luc Pecquet : maître assistant à l’École nationale supérieure d’architecture de Saint-Etienne
Gilles Remillet : maître de conférences en cinéma anthropologique et documentaire à l’université Paris Ouest La Défense (ex-Paris X)
Débat animé par Marc Henri Piault : directeur de recherche honoraire au CNRS, anthropologue et cinéaste.

→ 12h30 – Projection en hommage à Jean Arlaud, présentation par Alain Morel.
Je suis né dans la truffe

→ 14h30 – 16h – Table ronde : Enjeux et conditions actuels de la production
Catherine Balladur : directrice du CNRS Images
Pierre Bois : conseiller artistique à la Maison des Cultures du Monde
Baptiste Buob : chargé de recherche au CNRS et cinéaste
Gilles Le Mao : producteur à La Huit production
Sébastien Ricciardi : Centre national du cinéma et de l’image animée
Débat animé par Christian Hottin.

→ 16h30 – Projection : L’art et la manière.

→ 17h – 18h30 – Table ronde : De la diffusion à la conservation
Sophie Deswarte : responsable de la vidéothèque du CNRS Images
Marcel Lecaudey : Cerimes
Marianne Palesse : déléguée générale d’Images en bibliothèques
Pierre Schmit : directeur du Crecet, ethnologue régional auprès de la Drac de Basse-Normandie
Débat animé par Christophe Gauthier : directeur du département de l’Audiovisuel à la Bibliothèque nationale de France et de Christian Hottin.

Des images sur l’espace français : des questionnements nécessaires.
 
Dans le catalogue du CNRS (Sciences de l’Homme et de la Société) les premiers films enregistrés concernant la France sont ceux de Jean Dominique Lajoux, datant de 1966… Après les enquêtes en Bretagne et en Aubrac sous la direction du Docteur Gessaint et dans une perspective marquée par les préoccupations d’une certaine anthropologie biophysique, il faudra attendre le milieu des années soixante-dix pour qu’une réflexion anthropologique soit vraiment acceptée en France et sur la France, souvent sous la pression des mouvements régionalistes qui ont renouvelé l’intérêt pour les sociétés locales européennes dans un contexte contemporain. A partir de la décennie suivante, les films sur la réalité française se feront sans doute plus nombreux mais, curieusement, ils se tourneront assez lentement vers les modalités des transformations contemporaines. Le poids – ou la nostalgie – d’une tradition, en voie de disparition relativement rapide, pèsera sans doute assez largement sur l’orientation des sujets traités.
A cet égard et bien qu’il n’ait pas été présenté au Bilan du CFE, je voudrais néanmoins évoquer un film de Jean-Louis Le Tacon, Cochon qui s’en dédit (1979) et dont le personnage central exprime ses rêves, ses espoirs, ses désillusions et ses craintes sur une activité traditionnelle mise en péril par la pression des grandes entreprises de l’agro-alimentaire. C’est, comme le souhaitait René Allio1, un film où le personnage principal se met en jeu et c’est un exemple de ce que j’appelle l’entreprise dialogique de films toujours inachevés en ce qu’ils se font et se refont chaque fois qu’on les regarde. C’est un film-portrait mais qui ne se ferme pas sur lui-même, donne la parole non pas pour entériner un état du monde mais pour en dévoiler certaines manœuvres et poser des questions.
C’est bien là, en effet, une partie de l’entreprise, s’approcher de ce qui exprime en chacun un vécu particulier et réfléchi du monde : ainsi la marche est en cours de ce qui serait l’anthropologie partagée de demain. Non plus un inventaire ni même l’exposition de raisons et de savoirs contrastés mais une avancée dialogique qui commence par une mise en évidence et une mise en question du lieu dont nous partons et que nous tentons de parcourir
 
Se remettant difficilement des aventures coloniales et post-coloniales, des questionnements sur les modalités d’une nouvelle société et les hésitations de l’Europe à se constituer, ethnologues et cinéastes tentent une redécouverte de l’espace français dont le statut rural commence au cours des années soixante à être mis en question sans pour autant que des voies alternatives soient clairement définies. On s’aperçoit également qu’une population de plus en plus nombreuse, venue de toute l’Europe, cherche déjà et depuis de nombreuses années, des modalités de survie sinon d’intégration dans une société dont l’identité, souvent affirmée, n’est cependant pas très clairement reconnue en dehors de stéréotypes commodes et souvent dangereux. Les cinéastes-ethnologues suivent souvent ces recherches et ces hésitations identitaires. Ils cherchent à distinguer les modalités d’une transformation progressive d’un mode de vie qui perd progressivement sa tonalité paysanne au profit des complexités citadines. Un partage se fait entre la recherche des traces subsistantes d’une certaine « tradition » paysanne et artisanale, espace de prédilection pour une ethnologie fidèle à son histoire, et les interrogations sur les contours et les pratiques d’une société nouvelle, en voie rapide de transformation et d’urbanisation. Images de villes marquées par les grands ensembles ou parcours des métiers artisanaux et des lieux marqués par l’histoire, les films aussi semblent interroger les modifications de nos regards et de nos attentes. On tente de saisir le temps dans ses continuités mais aussi et peut-être surtout dans ses discontinuités événementielles. On perçoit que les dimensions anciennes du temps et de l’espace sont à ce point modifiées que les modalités de leur saisie imagétique doivent se transformer. L’ajustement des techniques, de plus en plus légères, permet d’ailleurs une mise en fonction progressive des langages audiovisuels sur les voies multiples et parfois simultanées de l’observation, de la rencontre et du questionnement.
Nous pouvons ainsi parcourir, non pas « une » histoire de la société française mais sans doute et beaucoup plus, un questionnement sur la diversité nécessaire des modalités et des choix d’existence. Il s’agit peut-être là d’une tentative de réponse à la pression, sinon la répression, d’un devenir imposé  et modélisé par l’imagerie anonyme d’une mondialisation forcée.
Marc Henri Piault
Directeur de recherche honoraire au CNRS, anthropologue et cinéaste.
René Allio « Foin des bergeries », Cinémas paysans, Ch. M. Bosséno (dir.), CinémAction, n°16,, 1981, :10.

Maison des Cultures du Monde
Théâtre de l’Alliance française
101 boulevard Raspail
75006 Paris